Avec ce qui reste d'espoir... (libre)

Sylvânn avait marché, de son pas lourd et lent, toute la journée. La malédiction de cette terre avait finit par pénétrer son écorce, il la sentait. La gangrène se répendait dans sa chair de bois, pourissait ses membres et maintenant il sentait sa raison s'égarer. Son immense et long bras droit traînait derrière lui. Il était noir, humide, couvert d'une mousse sombre. Noir comme ce qui commençait à s'emparer du géant végétal.

Alors, seul, Sylvânn s'était mis à marcher jusqu'à la colline. Il avait fait tellement de promesses, tellement qu'il n'avait pas pu tenir. Il avait promit autrefois de protéger Malhak, la petite Malhak...Et elle était morte, et il était parti. Il n'avait pas pu protéger une petite fille des hommes, pourquoi s'entêter à tenter de protéger une terre ? Pourquoi avait il tant besoin de protéger...? Cela suffirait il à le faire pardonné d'être né dans le sang et d'avoir versé le sang sur sa mère terre? Un sacrifice suffisait il vraiment pour que Malhak le pardonne?

L'arbre avait commencé son ascention de la colline, l'écorce grinçante, son bras traînant sur les pierres rugueuses. Son écroce râpait sur les rochers, on avait l'impression qu'elle allait s'arracher. Les oiseaux dans sa chevelure de feuillage s'étaient envolés. Il se sentait seul avec la malédiction qui le dévorait. Il la sentait ramper dans sa sève, lui embrumer l'esprit au point qu'il entende à nouveau la voix de Malhak.

Should auld ac-quain-tance be for-got, An' ne - ver brought to min'?
Should auld ac-quain-tance be for - got, An' days o' lang syne?
For auld lang syne, my dear,
For auld lang syne...

Il continuait son chemin, les yeux rivés vers le sommet qui s'approchait. La comptine de Malhak résonnait dans sa tête, et même si ce n'était qu'une hallucination due au poison de cette terre, Sylvânn ne cherchait pas à s'en défaire. Au contraire....

We twa hae run about the braes,
An' pu'd the gowans fine;
But we've wander'd mony a weary foot
Sin' auld lang syne.
For auld lang syne.....

C'était le poison qui le dévorait qui le ferait peut être tomber à genoux, mais c'était la voix de Malhak qui le porterait au sommet. La voix de son petit ange, dans sa langue natale, avec son petit accent décidé qui accompagnait sa voix angélique. Malhak, la petite Malhak qu'il n'avait pas pu protéger....

We twa hae paidl't i' the burn,
Frae morning sun till dine;
But seas between us braid hae roared,
Sin' auld lang syne.
For auld lang syne

L'être végétal se hissa enfin au sommet et se dressa de toute sa hauteur aux côtés de la croix. Il voyait tout d'en haut, le vent agitait ses branchages et faisait voler ses feuilles, qui tombaient déjà au fur et à mesure que le poison de Murmures sombres se répendait.

"And auld lang syne...For auld lang syne" fredonna il doucement

oui, comme le disait sa chanson, ce n'était qu'un au revoir. ça n'avais jamais été qu'un au revoir. Malhak ne l'avait jamais quittée, elle avait toujours été avec lui, quelque part dans cette écorce vivante. Même si son corps était brûlé, son âme ailleurs, Sylvânn savait qu'elle ne l'aurait pas quittée aussi facilement...

Silencieusement il se mit à tracer un grand cercle autours de lui et de la croix. Un second à l'interieur du premier. Il sortit la petite bourse de cuir ou il rangeait ses runes, disposa le tout dans un placement précis. L'arbre leva ensuite la tête vers le ciel, observa les étoiles, reproduisit des symboles compliqués sur le sol, tout en restant à l'interieur du cercle. Aujourd'hui aurait pu être le jour de sa mort, celui que Sylvânn avait tellement attendu. Mais il avait repensé à toutes ces promesses qu'il n'avait pas tenues, à tout ce sang qu'il avait versé. Non, sa simple mort ne rachèterait pas ses crimes. Malhak aurait aimée être fière de lui. Alors autant user ses dernières forces, pour pouvoir se battre contre la gangrène de cette terre.
Avec ce qui restait d'espoir. Ce qui restait de Malhak.

Son oeuvre terminée, il se plaça au centre du cercle, aux côtés de la croix, et enfonça ses pieds dans le sol. Sylvânn se pencha, ses bras se séparèrent en une multitude d'autres racines qui s'enfonçèrent aussi dans le sol. Ceci fait, l'arbre sentit une présence non loin. Quelqu'un l'observait

"...qui que tu sois, habitant de cette terre maudite...Ne cherche pas à profiter de ma faiblesse. Si tu aime cette terre et que tu veux la voir débarassée de son poison sans verser le sang, alors prête moi ta force. Ce soir je vais renaître."

"ta...clairvoyance est troublante, créature."

Le ton de Sylvânn n'était pas menaçant, mais les dernières paroles de l'homme devant lui l'avait troublé, et il était un peu plus méfiant. D'autant plus que l'homme arbre ne connaissait toujours pas le nom de l'autre, et encore moins ce qu'il faisait là à le regarder et à le mettre en garde sur une mort prochaine. Sylvânn n'avait jamais aimé les oiseaux de mauvais augure, et cet hurluberlu là en semblait bien être un, malgré ses manières douces.

"par la morsure...je ne te crois pourtant pas vampire, à ton apparence lugubre...Et je ne connais pas ton nom, de plus. pardonne moi de te dire cela, homme cadavre, mais ton discours ne m'effraie pas. la mort, ce n'est pas ce qui m'effraie, je la recherche justement depuis longtemps."

Sylvânn releva alors sa tête imposante, fixant ses yeux brillants emeraude dans ceux blancs de l'inconnu

"...si tu n'est qu'une sombre créature charognarde attendant patiemment ma carcasse, il te faudra encore bien de la patience, car je ne compte pas trépasser immédiatement. si tu ne veux pas m'aider, alors va. je ne veux pas converser à propos de choses que je ne vois pas."

Sur ce, Sylvânn recommença à se concentrer, absorbant toujours l'énergie nécéssaire à travers ses racines et ses bras. Il sentait aussi le poison dans la terre entrer en lui, ses runes ne pouvaient pas totalement purifier cet endroit de la malédiction...La mousse sur son bras droit bouillonna, s'étendit un peu plus. Sylvânn serra les dents, il ne voulait pas montrer sa faiblesse à cet étrange personnage, qui attendait toujours, silencieux, sur la croix de pierre.

Raziel fronça les sourcils à la réponse de Sylvânn. A vrais dire, il était normal que cet arbre parlant ne lui fasse pas du tout confiance, le dévoreur le comprenait aisément. Et...c'était aussi le mauvais côté de son état.

- Pardonne mon impolitesse, mon nom est Raziel. J'étais vampire, mais comme tu le constate si bien, je ne suis désormais que l'ombre de ce que j'ai été, corps et âme...Néanmoins...Crois moi je ne suis pas ton ennemi. Du moins je ne suis pas celui des âmes en peines.

Le dévoreur tendit une de ses mains à trois doigt vers le visage de Sylvânn alors que ce dernier relevait la tête. L'arbre ne fit pas de geste de défense alors que Raziel caressait l'écorce, fixant Sylvânn. Ce dernier puisait ses forces dans la terre, et Raziel pouvait voir la noirceur de cette terre monter dans le corps de l'arbre.

- Crois moi Sylvânn, ma clairvoyance est bien là, et ce n'est pas la voie de la rédemption que tu prends, mais bien celle de la damnation. Je ne suis pas un annonceur de mort ni un charognard à l'affut de ta carcasse...C'est assez dur à expliquer, Sylvânn.

Le dévoreur retira sa main du visage de Sylvânn, se rasseyant sur la croix.

- J'ai oeuvré autrefois pour ce que je pensais être bien, avant de rejoindre le mal, puis je suis tombé dans la pire des disgrâces...Et j'ai alors vu que le bien et le mal n'étaient que des valeurs illusoires que faisait tourner la roue du destin à sa bonne volonté. Mon nom n'est pas inscrit dans cette roue Sylvânn, je suis hors de ce temps, hors de cet espace, ni vraiment mort, ni vraiment vivant. Je n'oeuvre pour aucune autre puissance que mon propre libre arbitre. Je comprends ce que tu cherches à faire, mais peut être te faut il une preuve de ce que j'avance?

Raziel pointa un de ses doigts griffus et osseux vers ce qui servait de poitrine à Sylvânn

-...Elle en toi Sylvânn, il y a quelque chose en toi...Comme un reste d'âme...C'est une petite fille. Oh...Une petite fille qui a l'air morte depuis longtemps, mais apparemment elle a sacrifié son repos pour rester avec toi. Dans ta poitrine il y a deux âmes Sylvânn...La tienne est bien noire et se noircit encore, mais celle de cette fille est demeurée pure. Elle essaye de te protéger de ta propre noirceur...Mais tu ne l'écoute pas.